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ENS Paris-Saclay - Lumière, Matière et Interfaces

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Recherche - Valorisation

Microcavités hybrides organique - inorganique

Ancien thème de recherche du LPQM

I- Microcavités

Les microcavités de semiconducteurs, constituées d'un ensemble de puits quantiques enserrés dans une cavité Pérot-Fabry (microcavités planaires), présentent un intérêt particulier tant sur le plan de la recherche fondamentale : étude du couplage entre le champ électromagnétique (confiné par la cavité) et les excitations électroniques (excitons) que sur le plan de la recherche appliquée : réalisation de sources lasers miniaturisées et à bas seuil.


                                     

figure 1: Schéma d'une microcavité
contenant une couche de nanocristaux de pérovskites (multi-puits quantiques)

En régime de couplage fort, les excitons et les photons forment des états mixtes : les polaritons de cavité, modes normaux séparés énergétiquement par le dédoublement de Rabi. Ces polaritons montrent des propriétés qui en font de bons candidats pour la réalisation d'une nouvelle génération de dispositifs optoélectroniques. Tout d'abord, la stimulation de la relaxation des polaritons par l'occupation de l'état final a été récemment mise en évidence [1], ce qui amène à discuter de la possibilité de former un condensat en centre de zone de type Bose-Einstein et à envisager la réalisation d'un laser à polaritons. Ensuite, la durée de vie des polaritons dans une microcavité en régime de couplage fort, excitée de façon résonante, est très brève (proche de la durée de vie du photon dans la cavité, soit environ 1 ps), ce qui permet d'entrevoir la perspective de dispositifs optiques à commutation ultra-rapide. En revanche, la relaxation des excitons créés par une excitation non-résonante ou par injection électrique, vers les états de polariton, est lente (quelques centaines de picosecondes), car elle nécessite une émission de phonons acoustiques. Cette lenteur n'est pas compatible avec l'obtention d'un dispositif à modulation rapide (débit actuel visé dans les nouveaux dispositifs : 40 Gbits/s) et sera susceptible aussi de bloquer le mécanisme de stimulation de la relaxation des polaritons par l'occupation de l'état final.

II- Les molécules de pérovskites

Les pérovskites sont des molécules de formule générique (R-NH3)2MX4, où M est un ion métallique tel que Ge, Sn, Pb, X est un halogène tel que Cl, Br, I, et R une chaîne alkyle : C6H5C2H4- ou CnH2n+1-. Ce type de molécules est très étudié dans le domaine des supraconducteurs (à base d'oxyde de cuivre tels que par exemple La2-xSrxCu02) ou dans le domaine des propriétés magnétiques bidimensionnelles.
Les pérovskites se déposent par des méthodes très simples et peu coûteuses telles que la méthode d'évaporation de solvant ou par dépôt à la tournette, sur des substrats très divers.
Lors du dépôt à la tournette, les interactions de Van der Waals entre les molécules sont responsables de la formation de nanocristaux formés d'une alternance de feuillets organiques constituées des chaînes carbonées R et de feuillets halogénures de métal constituées d'octaèdres formées à partir de MX4 : voir figure 2.

Figure 2: Exemple de molécules de pérovskites [(C6H5C2H4)2PbI4]

Cette structure nanométrique bidimensionnelle auto-organisée confine fortement les fonctions d'onde électroniques [2, 3] : les feuillets organiques, d'épaisseur de l'ordre du nanomètre, consituent des barrières de potentiel (les couches organiques présentent une énergie de bande interdite dans l'ultraviolet), les feuilles MX4 constituent des puits de potentiel d'épaisseur une fraction de nanomètre, la différence d'énergie de bande interdite entre les 2 types de feuillets est de l'ordre de 3 eV. On voit alors apparaître dans le spectre d'absorption des cristaux de pérovskite des pics d'absorption dans le visible ou le proche-UV selon la molécule étudiée, correspondant aux états électroniques confinés dans les feuillets MX4. Ce confinement est d'autant plus fort que les constantes diélectriques des 2 types de feuillets sont très différentes. Par conséquent, l'énergie de liaison de l'exciton dans les pérovskites est particulièrement grande : de l'ordre de 300 meV (320 meV dans (C6H5C2H4NH3)2PbI4 [2, 4]) et l'extension spatiale de l'exciton est de l'ordre de grandeur de l'épaisseur de la feuille de MX4, c'est-à-dire de l'ordre du nanomètre (1.7nm pour (C6H5C2H4NH3)2PbI4)).
Une propriété intéressante des pérovskites est que l'énergie de l'exciton peut être variée facilement en jouant sur la nature des ions métalliques ou halogénures incorporés dans la molécule ainsi que sur la longueur de la chaîne carbonée. Par exemple, nous avons synthétisé, en collaboration avec le PPSM,  une dizaine de pérovskites différentes, qui couvrent une large gamme du spectre visible (2 eV) - proche UV (3,65 eV) (figure 3) [5].



Figure 3: Spectres d'absorption de couches composées des différentes pérovskites synthétisées au LPQM et au PPSM


III- Microcavité et molécules de pérovskites

Une couche de pérovskite (C6H5CH2CH2NH3)2PbI4 (émettant à 524nm) est déposée sur un miroir diélectrique M1, la largeur de la microcavité est ajustée par dépôt d'une couche de PMMA d'épaisseur contrôlée, la cavité est fermée par un miroir M2 d'argent (figure 1). Les dépôts métalliques d'argent ont été réalisés au LPQM. La microcavité ainsi obtenue a tout d'abord été étudié par spectroscopie de réflectivité résolue en angle (figure 4). La variation de l'angle d'incidence permet en effet d'ajuster l'énergie du mode de la cavité avec l'énergie de l'exciton des pérovskites. Ces expériences ont permis de mettre en évidence le couplage fort entre le mode de la cavité et l'exciton des pérovskites.

 


Figure 4: Spectres de réflectivité de la microcavité contenant une couche de nanocristaux de pérovskites, pour différentes valeur de l'angle d'incidence.


La figure 5 montre l'anti-croisement caractéristique du couplage fort entre les branches hautes énergie et basse énergie. Celà nous permet d'extraire une valeur du splitting de Rabi de 150 meV [6].

 


Figure 5: Simulation (traits pleins), points expérimentaux (carrés)

Le couplage fort a également été observé en émission à l'aide d'expériences de photoluminescence résolues en angle, le tout à température ambiante [7, 8, 9, 10].

IV- Microcavité hybride

On montre d'un point de vue théorique que pour atteindre le régime de laser à polaritons, le temps de vie des polaritons doit être plus long que le temps mis par ces derniers pour relaxer vers l'état de plus basse énergie. Or, le temps de vie des polaritons étant d'autant plus long que le facteur de qualité de la cavité est élevé, il faut donc que ce facteur de qualité soit supérieur à certaine valeur dépendant du matériau considéré et de la température. En effet la relaxation des polaritons fait intervenir leurs interactions avec les phonons acoustiques, l'efficacité de cette relaxation est donc dépendante du matériau considéré et de la température.

Dans le cas du GaN, le régime de laser à polaritons ne peut être obtenu qu'avec des microcavités dont le facteur de qualité est supérieur à 500 à température ambiante. Cependant, pour le laser à polaritons, une valeur élevée du facteur de qualité n'est pas compatible avec l'obtention d'une puissance lumineuse de sortie importante. En effet, les photons issus du laser à polaritons proviennent de la recombinaison radiative des polaritons du condensat de Bose-Einstein, c'est-à-dire de l'échappement de la part photon des polaritons à travers un des miroirs de la microcavité. Ainsi, plus la réflectivité des miroirs sera grande (c'est-à-dire plus le facteur de qualité sera élevé), moins de photons pourront s'échapper de la cavité et moins la puissance en sortie du laser à polaritons sera grande. 


Conscients qu'une puissance lumineuse de sortie faible pourrait limiter le champ d'application d'un tel dispositif, nous proposons une méthode qui pourrait permettre l'obtention du laser à polaritons dans des microcavités à facteurs de qualité moindres : plutôt que d'augmenter le temps de vie des polaritons en augmentant le facteur de qualité, on se propose de réduire le temps de relaxation des polaritons vers l'état de plus basse énergie en utilisant une idée proposée en 1997 par Agranovich et al [11].

Prenons une microcavité à base d'un semiconducteur inorganique, Agranovich et al. proposent d'y ajouter une couche mince d'un matériau organique dont l'exciton est en énergie légèrement en dessous de l'exciton du semiconducteur inorganique. Le diagramme d'anticroisement attendu est présenté ci-dessous, l'exciton du semiconducteur inorganique est qualifié sur ce diagramme de "Wannier-Mott" alors que l'exciton du matériau organique est qualifié de "Frenkel".

Dispersion des polaritons dans uen caivté hybride organique-inorganique

Figure 6: Dispersion des polaritons dans une cavité hybride organique-inorganique[11]

D'après Agranovich et al., cette structure hybride inorganique-organique présenterait un canal de relaxation vers l'état de plus basse énergie très efficace~: une réduction d'au moins un facteur 10 des temps de relaxation par rapport à la microcavité avec seulement le semiconducteur inorganique est attendue. Cette théorie n'a, à notre connaissance, jamais été testée expérimentalement.

Références:
[1] M. Saba et al, Nature 414, 731 (2001)
[2] K. Gauthron, J-S. Lauret, L. Doyennette, G. Lanty, A. Al Choueiry, S. J. Zhang, A. Brehier, L. Largeau, O. Mauguin, J. Bloch, and E. Deleporte Optics Express 18, 5912 (2010) pdf
[3] D.B. Mitzi et al, IBM J. Res. & Dev. 45, 29 (2001).
[4] K. Tanaka et al, Solid State Commun. 122, 249 (2002), T. Ishihara et al, Phys. Rev. B42, 11099 (1990).
[5] Parashkov R, Bréhier A, Georgiev A, Bouchoule S, Lafosse X, Lauret J S, Nguyen C T, Leroux M and Deleporte E, 2007, Advanced Materials: Research Trends ed L A Basbanes (New York: Nova Science Publishers) chapter 4, pp 119-37 (2007)
[6] A. Brehier, R. Parashkov, J.S. Lauret and E. Deleporte Appl. Phys. Lett. 89, 171110 (2006)
[7] G. Lanty, J. S. Lauret, E. Deleporte, S. Bouchoule, and X. Lafosse Appl. Phys. Lett. 93, 081101 (2008)
[8]G. Lanty, A. Bréhier, R. Parashkov, J. S. Lauret and E Deleporte New Journal of Physics 10, 065007 (2008)
[9] G. Lanty , J.S.Lauret, E.Deleporte, S.Bouchoule, X.Lafosse, Journal of Luminescence 129, 1985-1988 (2009)
[10] G. Lanty, J.S. Lauret, E. Deleporte, S. Bouchoule and X. Lafosse, Superlattices and Microstructures 47, 10 (2010)
[11] Agranovich et al., Solid State Comm. 631, vol 102 ,1997